Au bout de deux volées d’une cage d’escalier étroite dont la moitié des ampoules sont brûlées, la porte la plus à gauche des quatre du palier est celle menant chez Omer. La peinture écaillée de la porte et la feuille de laiton usé et terni, rongé par l’oxydation verte dans ses recoins, et poncée à en dévoiler l’acier là où la main se referme depuis des années, annoncent ce qui attend le visiteur à l’intérieur de l’appartement. Un trois pièces bien humble, sans rien de particulier.

Le papier peint de la chambre, jauni et arraché en quelques endroits, fait tache aux côté des rideaux pourpres laissés par les derniers locataires. Des rideaux épais qui cachent autant la lumière d’un lampadaire, la nuit, que les bordures vermoulues de la fenêtre. Quelques fissures aux murs trahissent l’âge et l’état de l’immeuble.

La salle de bain est à l’image du reste : petite et simple. Une toilette dont le couvercle de porcelaine brisé de la cuve est rangé derrière le lavabo sur pied, ledit évier, ainsi qu’une douche minimaliste aux robinets capricieux. Quelques carreaux de céramique, sur le mur et le planché, son craqués, et l’un est manquant, juste en-dessous du miroir derrière lequel est rangée la pharmacie d’Omer. Dentifrice, matériel d’entretien de la barbe, pommades pour les cheveux, etc. Une descente de bain, neuve celle-ci, se trouve au sol, à la fois devant la toilette et la douche. Malgré les taches trahissant leur âge, elles semblent convenablement propres : aucune cerne de calcaire n’y est visible.

Le fauteuil et le canapé du salon semblent avoir tous deux été ramenés après avoir passé quelques jours sous la pluie, l’un trop mou et l’autre inconfortable par l’absence de bourrure pour en couvrir les ressorts. Le canapé est repoussé contre le mur pour cacher un trou qui se trouve dans le gypse. Ici aussi, des rideaux abandonnés par les anciens habitants apportent ce qui devrait être une touche de couleur. La télé, rarement éteinte, affiche des images distordues à celui qui, clairement, ne paie pas pour ce service. Sous le passe-plat inutile de la cuisine, une petite table et deux chaises d’extérieur ne paient pas de mine.

Un mur qui tient davantage de la parure, avec son passe-plat, sépare la minuscule cuisine de l’espace de vie. C’est là qu’une odeur d’ammoniac traverse le plus fréquemment les murs, en provenance de chez la voisine. C’est peut-être les concerts de miaulements nocturnes qui ont par ailleurs chassé les anciens occupants, mais Omer a le sommeil lourd. À droite de la porte, dont la fenêtre n’a pas de rideaux, un vieux frigo vide, qui semble attendre d’être rempli pour rendre l’âme, trône dans la pièce. La cuisinière n’a qu’un rond fonctionnel, et semble aussi propre que le reste de l’appartement. Quelques cabinets sont impossibles à ouvrir, en raison d’une mauvaise conception ou de l’aménagement trop exigu.

Le minuscule balcon, trop étroit pour s’y tenir à deux, n’est que décoratif. Sa rambarde chambranlante et la planche défoncée par terre semblent servir d’avertissement à celui qui voudrait s’aventurer à l’extérieur.

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